Monday, March 21, 2022

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J'ai une conjonctivite à l'oeil gauche, photosensible. Pratique : le soleil se couche à droite, je peux continuer à regarder le lac en face l'après-midi. A partir de ce diagnostic, saurez-vous deviner sur quelle "plage" annécienne je me trouve ?

Oui, je mets des guillemets. Il faut me laisser un peu de temps, je n'en suis pas encore au stade où j'appelle "plage" du gazon où paissent (du verbe paître) des canards. 

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Reprise de l'italien et de mes galères de grammaires. Tout beau, tout chantant, je conjugue lentement. En attendant impatiemment un voyage à Turin pour envoyer des rasades de phrases, ouvertes comme des fenêtres qui claquent au vent. Eh !

Thursday, March 17, 2022

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Dehors le ciel est gris, dedans ça sent le gateau. Je ne ressortirai pas, je reste dans le ventre de l'appartement, proche de la cuisine. Ressortissante d'un état gourmand que le reste du monde fatigue. C'est l'effet printemps, qui comme tous les ans m'épuise à avoir tant de ressources, alors que je suis vidée par l'hiver. Des oiseaux piaillent comme des dingues parce qu'ils doivent sentir l'orage arriver, leur concerto traverse les vitres. J'ai fermé les fenêtres alors qu'il fait doux, mais dedans plus doux encore. Chauffage à zéro, four à 170° (car chaleur tournante). Je suis en compagnie de cinq jonquilles qui se sont déjà ouvertes depuis que je les ai achetées, avec aussi un bouquet de tulipes mélangées, mauves. Tout ça a coûté beaucoup trop cher, mais c'est beau. Il reste aussi quelques oeillets un peu desséchés, courts sur pattes. J'ai mis une alarme pour ne pas que le gâteau crame, mais c'est toujours quand j'ai mis une alarme que j'y pense 30 secondes avant que ça ne sonne. Ça sonne.

Wednesday, March 16, 2022

it's a job

Avant le lever du soleil, alors que les montagnes sont d’un bleu gris brumeux, juste avant, quatre cygnes blancs arrivent en volant et viennent se poser sur la pelouse du Pâquier. Atterrissage synchronisé. Ils sont en avance sur les touristes et les petits vieux, sur les poussettes et les sportifs, ils replient leurs ailes, étirent leurs cous et se dégourdissent les pattes palmées. Plus tard, ils se feront chasser, amadouer, admirer, prendre en photo, prendre en grippe. Pour quelques miettes à peine. Juste assez pour développer une probable intolérance au gluten. Mais là, sur l’herbe givrée, ils sont seuls à quatre, maîtres des lieux, arrivés avant le soleil. 

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Les déménagements font rêver. Depuis que je suis arrivée ici, je rêve pour deux. Ce matin, je me suis réveillée avec une vision très nette de quatre manteaux sombres : un noir, un bleu marine, un marron et un vert bouteille. Toute une collection automne-hiver. Des manteaux élégants, en laine, qui habillent des gens distingués quand ils vont par exemple à l’Opéra. Ces manteaux étaient portés, mais ils avaient plus de poids que les personnes, le rapport était inversé. Mouillés par la pluie, détrempés en fait, ils étaient sur les épaules ou par-dessus le bras d’hommes, de femmes. Ils n’avaient pas eu le temps de sécher au vestiaire. Dans mon rêve, les hommes et les femmes, quatre en tout, sont encore dans le brouillard de l’Opéra auquel ils viennent d’assister, les yeux lourds, les traits chiffonnés par l’obscurité. Ils ne se rendent pas compte tout de suite qu’il y a eu permutation, que leurs manteaux ne sont pas les bons. Une main palpe les poches à la recherche d’un mouchoir et tombe sur un billet d’Opéra humide de pluie ou de pleurs, s’étonne de le trouver aussi imbibé alors qu’il était à l’abri du manteau. Une autre main examine la bordure, il doit y avoir un trou dans la poche, il en ressort un stylo qui s’était niché dans l’ourlet. Dessus, un nom d’hôtel autrichien qui ne lui dit rien. L’une des femmes incline sa nuque pour sentir le large col et découvre une odeur de parfum boisé, de poussière, de weekend en voyage, de grands restaurants et de marches nocturnes, avec des chaussures dont les talons claquent. Infidélités. Réverbères. Bar tabac. Et pourquoi pas ?