Tuesday, May 10, 2016

LH

1
Si heureuse de retrouver la mer que je voudrais me fondre dans le décors. Ce que je fais, je m'allonge sur les galets et ne bouge plus, je me propose au ciel, je deviens galet heureux et inerte. Je crame, je n'ai pas officialisé l'étape plage, pas encore acheté de crème solaire, pas encore de maillot. Je n'ai pas de natte rembourrée, je suis rouge et cabossée. Le lendemain je me réveille comme un phare, tête qui tourne et allumée, trop de lumière la veille, cervelle en vrille. Heureusement qu'ici la ville est tranquille, la vie aussi, je sais qu'elle ne m'embêtera pas, elle n'emboitera pas le pas sur mes pensées, elle les laisse s'écouler, me tolère généreusement. Mes genoux sont écarlates. Mon corps tout entier s'acclimate. Mes poumons pompent à nouveau, ils atteindront ces prochains jours leur capacité d'extension maximale. L'air de la mer mine de rien donne une mine de marin, donne tout ce qu'il faut, je me sens embrassée, arrivée à bon port.

2
J'ai passé tellement de temps allongée à la plage que le soir dans mon lit je sens encore le poids de mes lunettes de soleil sur le nez. Nez assez rouge en comparaison avec le contour des yeux resté blanc, sorte de masque de bronzage balnéaire. Un bateau de croisière a dû déverser des touristes, de petits groupes trottinent puis s'agglutinent le long des quais, ils n'ont pas l'air d'apprécier tant que ça la terre ferme, se demandent où ils ont mis les pieds. Le Havre a une excuse béton. Elle ne se saisit pas comme n'importe quelle ville, elle qui a scellé un pacte avec la mer, sa force vient de son ouverture, c'est une forteresse inversée, une métaphore-sémaphore de la largesse, une ogresse aérovore. Et puis cette lumière, bon sang, s'arrêtera-t-on jamais d'en parler ?! Cette ville est un anti-mirage, c'est un miracle bien réel, réceptacle et diffuseur de particules lumineuses qui s'agrippent aux parois, qui éclaire comme parfume un parfum.